La relation entre le dirigeant associatif et ses salariés

La relation dirigeant/salarié au sein d’une association sportive peut parfois devenir tumultueuse. Un rapport de force peut s’installer lorsque le salarié critique ouvertement la direction en adoptant même parfois un comportement irrespectueux voire agressif. Le dirigeant bénévole peut alors disposer de son pouvoir disciplinaire qu’il doit cependant utiliser à bon escient.

 

En effet, le choix parfois systématique d’un licenciement doit être murement réfléchi et ne doit pas être la sanction-réflexe du dirigeant critiqué ou insulté. Le salarié d’une association bénéficie des mêmes droits qu’un salarié d’entreprise et dispose donc d’une grande liberté d’expression et d’un droit de critique. Les tribunaux n’hésitent pas à annuler les licenciements qui ont été pris au mépris de ces droits. Une annulation équivaut alors à la potentielle réintégration du salarié.

 

Une décision récente de la Cour d’Appel d’Amiens l’illustre bien. Elle annule le licenciement pour faute grave à l’encontre d’un l’entraîneur qui avait émis des critiques sur la direction du club de basket-ball. Selon la Cour, l’entraîneur n’avait fait que dénoncer le manque d’investissement de certains membres de la direction sans les citer directement et sans employer un langage injurieux ou excessif (CA Amiens, 5 mars 2014, n°13/00295).

 

Le dirigeant doit prendre pleinement conscience que la législation offre une réelle liberté d’expression au salarié (article L.1221 du Code du travail) et d’un droit de critique (article L.2281-1 du Code du travail). La jurisprudence annule tout licenciement pris en violation de ces droits sauf en cas d’abus. Un abus est caractérisé par des propos jugés « diffamatoires, injurieux ou excessifs« .

 

Les concepts « diffamatoires et injurieux » font directement référence à la loi de 1881 sur la liberté de la presse et ne concernent donc que les critiques relayées par voie de presse ou tout support multimédia équivalent ouvert au public. La notion d’ « excessivité » au contraire est une notion vague et large qui peut être retenue dans tous les cas de figure.

 

Cependant, il faut constater que la jurisprudence ne retient que très rarement un excès dans le langage tenu par le salarié. Les juges ne vont pas uniquement se baser sur la teneur des critiques proférées, mais vont également prendre en compte le contexte général, les circonstances dans lesquelles les propos ont été tenus.

 

A titre d’exemple, la Cour de cassation a décidé que n’est pas justifié le licenciement d’une salarié qui répond à un avertissement par une lettre contenant des propos d’ordre personnel à l’encontre de l’employeur, notamment relatif à son état d’ébriété régulier. Les propos ne sont pas jugés excessifs et le licenciement doit donc être annulé (Soc. 7 mai 2014 ; n°12-29458).

 

De même, le licenciement d’un salarié déjà averti à deux reprises a été annulé alors que les propos tenus lors d’une réunion étaient particulièrement déplacés. Le salarié était un représentant du personnel dont le licenciement a été autorisé par l’inspection du travail et avait vociférer lors d’une réunion importante des propos particulièrement grossiers à l’encontre de l’employeur. En dépit des nombreuses insultes tel que « vous êtes un trou du cul vous« , le licenciement a été annulé car les propos bien qu’apparaissant excessifs devaient être relativés par le contexte particulièrement tendu de la réunion au regard des thèmes débattus et les vingt ans d’ancienneté du salarié (Soc. 7 mai 2014 ; n°12-29458) .

 

Cette solution reste anecdotique et en principe, un salarié qui tient de tels propos ne verra pas son licenciement remis en cause puisqu’il aura abusé de sa liberté d’expression.

 

Le dirigeant d’association doit donc faire preuve de prudence et le licenciement pour faute grave ou sérieuse ne doit pas être la réponse automatique à l’encontre d’un salarié qui l’a critiqué voire insulté.

 

D’autres sanctions disciplinaires peuvent être prononcées. L’avertissement et la mise à pied peuvent être des solutions alternatives judicieuses dans un premier temps. En cas de réitération ou de propos manifestement excessifs le licenciement peut alors se justifier. Il est rappelé qu’il est possible d’invoquer dans les motifs jusqu’à trois faits antérieurs similaires qui ont déjà fait l’objet d’une sanction.

 

Malgré la différence d’environnement, le dirigeant d’association doit donc avoir les mêmes réflexes qu’un dirigeant d’entreprise concernant la relation qu’il entretient avec un salarié largement protégé par le droit du travail.

 

Le dirigeant, même bénévole reste le supérieur hiérarchique en position dominante car doté d’un pouvoir disciplinaire qu’il se doit d’utiliser mais toujours avec précaution. Le choix de la sanction, de la nature du licenciement est toujours primordial.

 

La connaissance et la maîtrise de la jurisprudence est alors quasi indispensable. La position de la Cour de cassation est souvent subtile en matière de licenciement. Par exemple, le salarié ne peut être sanctionné pour des propos tenus dans la sphère privée. Néanmoins, si un salarié critique ouvertement son dirigeant sur son blog ou sur son compte facebook ouvert à tout un chacun, il peut être valablement licencié. A l’inverse, si le compte facebook comporte des paramètres de confidentialité plus restreints, les propos même écrits durant les heures de travail tombent dans la sphère personnelle de son auteur et ne peuvent faire l’objet d’une sanction disciplinaire.

Etienne VIRAPIN

Elève avocat