Le délit de marchandage

Le délit de marchandage est une infraction consistant en toute opération à but lucratif de fourniture de main d’oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié concerné ou d’éluder l’application des dispositions obligatoires (loi, règlement ou de convention collective).

L’opération de prêt de main d’oeuvre ne doit pas être dictée par la volonté d’avoir recours à du personnel extérieur dans le seul but que ce personnel, à l’inverse de ce qui se serait passé s’il avait été recruté directement par l’association utilisatrice, ne bénéficie pas des mêmes avantages que ses propres salariés.

Le délit de marchandage est donc caractérisé par deux éléments à savoir :

un préjudice causé aux salariés concernés par l’opération,
l’inapplication d’un texte.

Ces deux éléments sont alternatifs et non cumulatifs, si bien que le délit de marchandage sera constitué dès lors qu’il sera démontré que les salariés mis à disposition d’une association ont subi un préjudice ou que l’opération incriminée a conduit à éluder l’application d’un texte.

Il convient de souligner que l’élément intentionnel n’est pas requis dans le cadre du délit de marchandage.

1/ Un préjudice causé au salarié

Dès lors que l’opération de fourniture de main d’Å“uvre incriminée cause un préjudice aux salariés mis à disposition, le délit de marchandage sera constitué.

Ce préjudice occasionné aux salariés peut être :

un préjudice d’ordre financier, tel sera le cas lorsque les salaires versés aux salariés mis à disposition sont inférieurs à ceux des employés de l’association utilisatrice pour un même travail,

un préjudice résultant de la perte d’un avantage tel que le fait que les salariés mis à disposition ne bénéficient pas d’un suivi médical, ni des avantages sociaux accordés aux salariés de l’association utilisatrice,

un préjudice résultant de la privation des droits sociaux ou du statut social de l’association utilisatrice.

2/ Une opération ayant pour effet d’éluder l’application d’un texte

Le délit de marchandage peut être également constitué dès lors qu’une association recourt au prêt de main d’oeuvre afin d’éviter l’application de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles sans que cette opération ait causé un quelconque préjudice aux salariés mis à disposition.

Toutefois, la Cour de Cassation précise souvent que la non application d’un texte cause nécessairement un préjudice pour les salariés lié à la perte d’un avantage.

Ainsi, le délit de marchandage est caractérisé lorsque l’opération a eu pour effet de priver les salariés des garanties légales en matière d’embauchage et de licenciement, du bénéfice des conventions collectives et des avantages sociaux conférés aux salariés permanents de l’association utilisatrice.

Il a même été jugé que bien qu’il ne soit pas prouvé que les salariés mis à disposition ont été lésés, il suffit de démontrer que les salariés ont été privés d’avantages potentiels, par exemple de l’application d’une convention collective, du bénéfice des oeuvres sociales de l’association ou de la participation pour que le délit de marchandage soit constitué.

3/ Les différentes sanctions applicables aux infractions de délit de marchandage

Sur le plan pénal, toute infraction de délit de marchandage est punie d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30.000 euros ou de l’une de ces deux peines seulement.

Par ailleurs, les personnes morales peuvent être également déclarées responsables pénalement des infractions de marchandage et se voir punir d’une amende de 150.000 euros et des peines complémentaires telles que dissolution de la personne morale, placement sous surveillance judiciaire pour 5 ans ou plus.

En outre, sur le plan civil, les salariés mis à disposition pourront obtenir des dommages et intérêts en fonction du préjudice qu’ils ont subi du fait de cette opération de prêt de main d’oeuvre illicite, l’association utilisatrice et l’employeur qui fournit le personnel étant alors condamnées solidairement à ce dédommagement.

Enfin, ces mêmes salariés pourront demander la reconnaissance de la double relation de travail qui les lie à l’association utilisatrice et à l’entreprise ou l’association qui fournit le personnel.

Les deux employeurs seront alors reconnues comme étant co-employeurs et à ce titre, tenues de toutes les conséquences financières et juridiques qui en découlent (en matière de licenciement, de rémunération ).