Responsabilités et sports de montagne

La pratique des activités de montagne semble confrontée à l’idéologie sécuritaire triomphante du « risque zéro ». Dès 1959, Waldimir Rabinovitch estimait inéluctable l’intervention des tribunaux dans le domaine des sports de montagne. Cette position fut combattue par beaucoup de juristes amoureux de la montagne au titre desquels le professeur Le Breton pour qui « toute emprise du droit en ce domaine ne peut être que sacrilège ».

En 1982, Pierre Sarraz-Bournet estimait que le nombre de litiges augmenterait vraisemblablement dans l’avenir, par suite de l’accroissement de la fréquentation et du nombre d’imprudences.

Pourtant, une étude réalisée par Bénédicte CAZANAVE, qui fut magistrate au Tribunal de Grande Instance de BONNEVILLE, illustre que le nombre de décision tant civile que pénale reste limité.

Cependant, la démocratisation de certaines activités de montagne a nécessairement modifié les rapports entre pratiquants et notamment entre les professionnels de la montagne et leurs clients en rendant plus prégnantes les exigences de sécurité et de responsabilité.

S’agissant des élus locaux, la problématique de leur responsabilité, notamment pénale, se pose de manière particulière dans les communes de montagne en ce qui concerne l’appréhension des risques d’avalanches, tant dans les zones d’habitation que sur les domaines skiables. Les aménagements apportés par la loi dite « Fauchon » du 10 juillet 2000 ont permis de redéfinir les conditions d’engagement de leur responsabilité. Cependant, les décisions rendues en application de celle-ci montrent bien que l’engagement de la responsabilité pénale des élus reste une réalité.

D’ailleurs, la décision rendue en 2003 suite à l’avalanche de Montroc survenue le 9 février 1999 illustre la spécificité et la prégnance de la responsabilité des élus des communes de montagne.

Les professionnels de sports de montagne demeurent eux aussi fortement exposés à des sanctions en tant qu’auteurs de fautes intentionnelles. En effet, les organisateurs de séjours sportifs sont débiteurs, vis-à-vis de leur client, d’une obligation de sécurité analysée par la jurisprudence comme une obligation de moyens que certains auteurs qualifient même d’obligation de moyens renforcée. Cette exigence de sécurité met à la charge des professionnels encadrant des obligations de vigilance, de surveillance, d’information et de conseil qui s’avèrent contraignantes compte tenu de la nature risquée des activités de montagne.

Ces professionnels se trouvent donc très exposés à une mise en jeu de leur responsabilité et ce d’autant plus que la jurisprudence a toujours rejeté l’application de la théorie de l’acceptation des risques en matière de sports de montagne.

Plus globalement, tout pratiquant de sports de montagne est susceptible de voir engager sa responsabilité quelque soit sa qualité ou son statut.

Là encore, la spécificité des sports de montagne a contraint les juridictions à adapter le droit commun aux réalités des pratiques sportives. A titre d’exemple, la pratique de l’alpinisme a soulevé des problématiques particulières, notamment au sujet de l’imputation des responsabilités entre alpinistes d’une même cordée.

Par ailleurs, la démocratisation de la pratique du ski de descente a incité les juridictions à utiliser des régimes de responsabilité objective, détachés de toute notion de faute, tel que celui de la responsabilité du fait des choses, afin de faciliter l’indemnisation des victimes d’accident de ski.

Ainsi, il convient d’observer que la montagne est bien devenue un espace appréhendé par le droit et soumis en tant que tel aux évolutions sociétales. Certes, la judiciarisation de cet espace est régulièrement dénoncée. Cependant, l’intervention judicaire a peut-être l’avantage de préserver la montagne de certaines velléités réglementaires.

Bénédicte CAZANAVE avait d’ailleurs conclu son étude par une approche intéressante en indiquant qu’« accepter l’intervention judiciaire a posteriori est peut-être le prix à payer pour éviter l’intervention étatique a priori qui entraînerait, presque à coup sûr, la disparition de ce qui fait que la montagne nous attire encore, et réduirait celle-ci à n’être qu’un terrain de sport ou de loisir aseptisé. »