L’agence nationale du sport et les territoires

 

La question de l’organisation du sport dans les territoires nous amène préalablement à nous intéresser à la réforme de la gouvernance du sport ayant débouché en 2019 sur la création de l’Agence nationale du sport. Cette Agence a été contestée dès sa création et a même fait l’objet d’un contentieux administratif entrainant l’annulation en juillet dernier de sa convention constitutive initiale par le Conseil d’Etat à l’initiative de deux syndicats d’inspecteurs généraux du ministère des Sports.

 

C’est le 1er août 2019 qu’a été adoptée la loi relative à la création de l’Agence nationale du sport, créant de ce fait l’article L. 112-10 du code du sport aux termes duquel l’Agence est chargée de développer l’accès à la pratique sportive pour toutes et tous et de favoriser le sport de haut niveau et la haute performance sportive, en particulier dans les disciplines olympiques et paralympiques.

 

L’existence de l’Agence est donc consacrée sous la forme d’un groupement d’intérêt public (GIP) constitué de personnes publiques et privées. Un arrêté interministériel du 4 octobre 2019 a achevé la réforme en abrogeant le précédent arrêté du 20 avril 2019 ayant approuvé la convention constitutive originelle de l’Agence, et en lui substituant un texte modifié.

 

Il convient de se rappeler, qu’avant ce démarrage pour le moins chaotique, deux organismes ont précédemment rempli cette fonction. Dès 1975, la loi Mazeaud avait pris acte de la nécessité de sectoriser le financement de l’élite sportive nationale par l’Etat en créant un « Fonds d’aide au sport de haut niveau », alimenté à l’époque par une taxe spéciale venant en complément du prix des billets d’entrée dans les manifestations sportives organisées en France.

 

Par la suite, l’idée s’est fait jour d’étendre ce système vers le sport de masse, en créant le Fonds national pour le développement du sport (FNDS) en 1979. Il s’agissait d’un compte spécial du Trésor, institué par exception au principe d’universalité budgétaire, ayant des ressources pré-affectées. Il s’agissait d’une taxe sur les billets d’entrée dans les manifestations sportives et d’un prélèvement sur le loto national.

 

Il ressort que le Fonds avait à l’origine pour vocation unique d’aider le sport de haut niveau. C’est en 1980 que les subventions d’équipement aux collectivités territoriales et les dépenses d’équipement de l’Etat pour le sport de masse ont été incluses dans les dépenses du FNDS.

 

Cependant, l’évolution du droit budgétaire, engendrée par l’entrée en vigueur de la réforme sur les lois de finances, remettait en question le mode de fonctionnement du FNDS. En 2006, le Centre national de développement du sport (CNDS) était donc institué cette fois sous forme d’établissement public administratif. Ses recettes étaient assurées par un prélèvement sur les sommes misées à la Française des Jeux et le produit d’une taxe, dite « taxe Buffet », sur le montant des droits majoritairement télévisuels perçus sur les manifestations sportives.

 

La genèse de cette organisation ayant été rapidement rappelée, le Conseil d’Etat a récemment formulé des propositions pour élaborer une politique publique du sport plus volontaire et ambitieuse, autour de trois leviers prioritaires : rassembler les acteurs publics et associatifs, démocratiser l’accès au sport et réguler son économie.

 

En effet, la plus haute autorité administrative rappelle que le sport constitue un fait social complet qui touche à de nombreuses questions sensibles de la société française : santé, égalité des sexes, vieillissement de la population, éducation mais aussi cohésion sociale, intégration et citoyenneté, mais aussi aménagement du territoire.

 

C’est pourquoi cette étude d’octobre 2019 du Conseil d’Etat formule des recommandations pour une politique publique ambitieuse, à mener par les pouvoirs publics et en lien étroit avec le tissu associatif qui structure le mouvement sportif.

 

C’est toujours à l’Etat d’assurer la définition de la stratégie nationale et internationale du sport de haut niveau et celle du développement de la pratique sportive pour le plus grand nombre, ce qui est une position classique à travers l’idée d’un service public du sport.

 

Néanmoins, force est de constater que le champ d’intervention s’avère très large. En effet, qu’est-ce qu’il y a de commun entre le sport de haut niveau et la pratique de masse ? Ces deux objectifs, bien que de nature très différente, apparaissent effectivement tant sur un plan social que sur un plan économique, incontournables et nécessaires dans notre société, à condition de prendre en compte l’impératif actuel du développement durable et d’une démarche éco-responsable.

 

Pour parvenir à relever ces défis, il importe donc de réguler certains aspects de l’économie du sport, afin de garantir son unité et son intégrité. Le conseil d’Etat rappelle également que cette régulation doit tout d’abord se fonder sur la solidarité du sport professionnel et du sport amateur, notamment par des évolutions relatives à l’assiette et au produit de la cession des droits de retransmission, et que le soutien public doit être dirigé en priorité vers les disciplines moins médiatiques et souvent dépourvues de secteur professionnel.

 

Le choix opéré pour la mise œuvre de ces deux missions distinctes et fondamentalement différentes, haut niveau et sport de masse, de s’appuyer sur cette même Agence nationale du sport dans le cadre d’une convention d’objectifs, n’était pas forcément évident.

 

Le Conseil d’Etat préconise d’ailleurs une concertation dans les territoires pour permettre aux différents niveaux de collectivités d’organiser la compétence sportive en fonction de la situation locale, en s’appuyant sur des projets sportifs territoriaux. Cette nouvelle gouvernance du sport devra nécessairement s’accompagner d’un approfondissement de la démocratisation du mouvement sportif, par l’élection au suffrage direct des instances des fédérations et en limitant le nombre de mandats successifs, et de sa responsabilisation en renforçant les dispositifs d’évaluation de l’éthique et l’indépendance des organes disciplinaires.

 

Le sport peut réellement constituer un facteur de développement économique dans les territoires. Outre la loi du 1er août 2019 instituant l’Agence nationale du sport, des conférences régionales du sport et les conférences des financeurs ont été mises en place par le décret du 20 octobre 2020 qui prévoit désormais leur composition et leurs modalités de fonctionnement.

 

Chaque région possède ainsi sa conférence régionale du sport qui élabore et adopte son projet sportif territorial. De plus, une conférence des financeurs du sport est instituée par chaque conférence régionale du sport, pour le ressort territorial ou pour les domaines dont elle traite.

 

La déclinaison territoriale de l’Agence nationale du sport étant ainsi totalement aboutie dans les textes, gageons que ce système pourra répondre au mieux aux attentes des acteurs du sport qui sont nombreuses.

 

La performance sportive et le haut niveau sont des sujets qui peuvent a priori faire consensus à l’approche notamment de l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques d’été de Paris 2024. En revanche, la question de l’accès de tous à la pratique et du développement du sport de masse reste un sujet d’une grande complexité sur lequel les acteurs économiques devront vraisemblablement être davantage impliqués dans les territoires.