Le golf ? Un sport où l’on doit tenter de contrôler une balle…

La Cour d’Appel de Limoges dans un arrêt de principe du 25 novembre 1993 a relevé que « le golf n’est pas une activité sportive opposant deux joueurs dans le cadre d’une même action de jeu mais une activité individuelle où chacun joue après l’autre et où seuls les résultats sont opposés ou comparés ».

A l’appui de cette position, la doctrine considère :

  • que la théorie d’acceptation des risques doit être écartée pour un sport qui « en principe » ne doit pas présenter de danger particulier ou du moins pas de danger récurrent.
  • dans le même ordre d’idée, la théorie d’acceptation des risques serait réservée aux sports où une chose constitue le moyen de déplacement des participants ou l’objet que les joueurs se renvoient ou se disputent.
  • l’on peut encore dire que l’on n’est pas dans un sport de contact ou d’affrontement.

Il convient de préciser toutefois que cet arrêt a été rendu à l’occasion d’une simple partie amicale.

Or la Cour de Cassation est hostile à l’application de la théorie de l’acceptation des risques en dehors des épreuves de compétitions.

Toutefois dans ce cas d’espèce, ce genre d’accident est peu envisageable dans une arène de compétition.

En effet, la victime, dans cette espèce, a été blessée par le club du joueur frappant la balle. Elle était restée juste derrière le joueur « à portée de club ».

Ce genre de situation n’est guère envisageable entre joueurs aguerris faisant de la compétition. Ce type de joueurs savent pertinemment qu’il ne faut jamais se placer derrière le golfeur en action (du moins jamais à portée de club).

Un golfeur compétiteur qui se mettrait dans une telle situation commettrait une erreur grossière qui plus qu’une acceptation des risques, constituerait une faute de la victime de nature à exonérer l’auteur des dommages.

D’ailleurs dans l’espèce qui nous préoccupe où il s’agissait d’une partie amicale, même avec l’application de l’article 1384 alinéa 1er du Code Civil, la victime n’a pas obtenu la réparation intégrale de son préjudice.

Les juges ont estimé que son placement derrière le joueur frappant la balle constituait une faute pour moitié à l’origine du dommage.

Un commentateur autorisé parle d’un « jugement de Salomon ».

Une jurisprudence antérieure avait même exonéré complètement l’auteur du dommage en considérant la situation comme imprévisible pour le joueur absorbé à frapper la balle.

Peut-être serait-ce l’hypothèse d’un compétiteur golfique concentré qui, de toute évidence, ne pourrait s’attendre à la présence d’un autre compétiteur à cet endroit dangereux mais dans ce cas la doctrine craint qu’une conception trop large de la force majeure aille au-delà de la théorie de l’acceptation des risques que l’on a voulu écarter pour le golf.

Il est vrai qu’il serait opportun pour que soit tranché définitivement le rejet de l’acceptation des risques pour le golfeur qu’il soit statué sur un accident heureusement fort rare d’un jet de balle en direction d’un golfeur.

Si l’auteur de l’envoi de la balle est un joueur de la même partie, la victime est nécessairement en faute car en principe l’on ne doit pas dépasser la ligne de tir du joueur le plus éloigné du drapeau.

Là encore, c’est la théorie de la faute de la victime qui prendra le dessus.

Par contre, si la balle vient d’un joueur d’un autre trou voisin (soit parallèle soit plus ou moins en croisement ou ligne inverse) la question de la théorie de l’acceptation du risque peut se poser.

En effet, une balle peut en raison d’un slice ou d’un draw prononcé à l’excès atterrir sur un trou voisin (ce qui n’est pas toujours le fait des joueurs les plus maladroits).

Est-ce qu’un compétiteur ne peut pas par avance accepter un tel risque ?

La responsabilité du club exploitant du parcours et aussi en quelque sorte organisateur de la manifestation sportive peut être posée si le parcours présente des signes de dangerosité par trop anormaux.

Une autre déclinaison de l’acceptation des risques peut aussi être envisagée en matière immobilière concernant les maisons en limite de propriété des golfs.

Heureux certes de la vue imprenable sur un golf qui ajoute du prestige à leur demeure, certains riverains ont toutefois agi en justice contre l’exploitant du terrain de golf en raison de nuisances répétées liées au jet récurrent de balles sur leur propriété.

Parfois cet inconvénient est une surprise car parmi certains néophytes « nombreux sont ceux pour lesquels la proximité d’un golf apparaît comme le gage d’un environnement préservé et paisible », mais ils sont vite détrompés.

Dans cette hypothèse, il est tentant d’agir en troubles anormaux de voisinage.

La parade classique pour l’exploitant golfique est d’évoquer l’article L 112-16 du code de la construction et de l’habitation qui formule la règle de la préoccupation.

Cette disposition prévoit que « les dommages causés aux occupants d’un bâtiment par des nuisances (…) n’entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l’acte constatant l’aliénation ou la prise à bail établi postérieurement à l’existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s’exercent en conformité avec les dispositions législatives ou règlementaires en vigueur et qu’elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions ».

Il s’agit en quelque sorte d’une certaine acceptation des risques du voisinage.

Dans l’arrêt de principe du 10 juin 2004 , l’exploitation golfique pouvait se considérer à un deuxième titre protégée juridiquement puisque une disposition du règlement du lotissement du golf prévoyait « le lotissement étant réalisé à proximité d’un parcours de golf, l’ensemble des propriétaires des lots devra subir les contraintes comme profiter des avantages résultant de la proximité du parcours ».

Toutefois, la Cour de Cassation a considéré inopérant le règlement de copropriété et que ne saurait relever de l’exonération de responsabilité tirée de l’article 112-16 du code de la construction et de l’habitation et excède les inconvénients normaux du voisinage, l’exposition d’un riverain par suite d’un défaut de conception du tracé d’un parcours de golf, à des tirs de forte puissance contraignant celui-ci à vivre sous la menace constante de projections de balles de golf, certes aléatoires mais néanmoins inéluctables et susceptibles d’avoir de graves conséquences.

Par graves conséquences, il faut entendre à la fois conséquences matérielles mais aussi risque à l’intégrité physique même si la victime (ou le voisin) avait accepté un certain risque (même contractualisé par la clause précitée du règlement de copropriété).
Il convenait de faire la part des choses entre le risque effectivement pris et assumé par la victime et celui qui n’a pas été accepté.

Il convient de savoir où s’arrête le risque raisonnable accepté de celui qui ne peut l’être ? A partir de combien de balles reçues dans sa propriété ?

Mais comme le dit Thomas Woodrow Wilson, ancien président des Etats-Unis :

« Le golf ? Un sport où l’on doit tenter de contrôler une balle avec des outils tout à fait inadaptés à cet effet »

En matière d’acceptation des risques voir l’exemple des sports de combat

Eric-Louis LEVY – Avocat