Moniteur de tennis intervenant au sein d’un club : salarié ou indépendant ?

Les clubs de tennis, comme de nombreuses associations sportives, ont nécessairement recours à des intervenants rémunérés pour effectuer certaines missions. Parmi ces intervenants, les éducateurs sportifs sont incontournables.

Ainsi, se pose nécessairement, pour le dirigeant, le dilemme du choix de la collaboration : contrat de travail ou prestation de service indépendante.

La question n’est pas nouvelle. Elle est même récurrente – pour ne pas dire obsessionnelle – dans l’esprit du dirigeant sportif, car source d’inquiétudes.

Au préalable, il est important de préciser que les deux types de collaboration sont, a priori, possibles, dès lors que les principes juridiques applicables sont respectés et que les organisations mises en œuvre sont adaptées au mode de collaboration souhaité.

Aussi, il est inexact de prétendre qu’un éducateur est forcément salarié dans telle situation ou qu’il est forcément indépendant dans telle autre.

Tout dépend en fait, de la situation analysée au cas par cas : c’est ce qui devra guider le choix du type de collaboration.

Il s’agira ainsi de déterminer si le travail qui sera fourni contre rémunération par le l’enseignant sera réalisé ou non dans un lien de subordination juridique avec la structure sportive.

Pour ce faire, la seule dénomination de la convention, telle que retenue par les parties, est insuffisante pour établir la réalité du statut juridique applicable.

Il ne suffit donc pas, pour sécuriser la relation, de retenir la dénomination de «  contrat de prestation de service » ou encore de « contrat de collaboration ».

Pas plus qu’il ne suffit de recourir à un auto-entrepreneur. Sur ce point, la création de ce régime a, ces dernières années, relancé des pratiques parfois risquées en raison du coût globalement plus faible de cette typologie de travailleur indépendant. Toutefois, le récent alignement du régime de l’auto-entrepreneur sur le travailleur indépendant de « droit commun » devrait susciter moins d’engouement.

Les risques d’un mauvais choix (ou d’un non-respect des termes de la convention de prestation de service) peuvent entraîner un risque prud’homal, un risque de redressement par l’URSSAF, mais aussi un risque de travail dissimulé, ce qui est plus grave car pouvant engager la responsabilité pénale du dirigeant.

Les contentieux sont nombreux en la matière.

Dans un arrêt récent (Cass, Soc, 20 février 2013, n°11-26.982), la Cour de Cassation donne un éclairage intéressant sur le choix de la collaboration à retenir (indépendante ou salariée) concernant une discipline sportive, le tennis, dans laquelle la majorité des éducateurs sont rémunérés pour leur prestation.

En l’espèce, un professeur de tennis dispensait des cours au sein d’une association sportive affiliée à la Fédération Française de Tennis. Son intervention s’inscrivait dans le cadre d’une « convention de partenariat » entre une SARL dont il était associé et le club. Cette convention portant sur un an n’a pas été renouvelée à son terme, interrompant donc la prestation de travail.

Le professeur de tennis a sollicité devant les juges la requalification de sa relation avec le club en un contrat de travail. Il soutenait à ce titre que le statut de « prestataire de services libéral » figurant dans le contrat ne correspondait nullement à la réalité et qu’il était, en réalité, dans un état de subordination vis-à-vis de l’association. Il demandait en conséquence le versement de rappel d’heures impayées, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’indemnités pour travail dissimulé.

La question se posait donc de savoir quelle était la nature réelle de la relation de travail entre le professeur de tennis et l’association sportive ?

Les juges d’appel (Cour d’Appel de Metz, 27 Septembre 2011 n° 11/00359) dont la décision était soumise à la Cour de Cassation, avait pourtant exclu la qualification de contrat de travail en l’absence de lien de subordination.

Ainsi, dans le cadre de son appréciation des faits, la Cour d’Appel retenait l’absence de dépendance dans l’exécution du contrat et écartait la demande de requalification du professeur de tennis.

La Cour de Cassation censure cette position, estimant qu’au regard des stipulations contractuelles, la Cour d’Appel a véritablement « dénaturé les termes clairs et précis de cet acte » et que le contrat de travail est bien caractérisé à travers les éléments suivants :

–       les prestations de service en tant que professeur principal seront facturées au tarif de 25 € HT de l’heure,
–       le prestataire participera obligatoirement à toutes les compétitions officielles en qualité de joueur ou de capitaine,
–       il est autorisé à accompagner sur les tournois et compétitions de haut niveau, les joueurs classés et ceci après accord de la commission sportive. Cette autorisation est subordonnée à la participation impérative de l’accompagnant et l’accompagné au match de championnats pour le compte de l’Association.

Cet arrêt amène à formuler plusieurs remarques.

Tout d’abord, la dénomination de la convention de « partenariat » et le fait d’avoir conclu le contrat avec une société (et non pas un intervenant personne physique) n’a pas empêché la requalification en contrat de travail.

Ensuite, les éléments retenus par la Cour de cassation pour requalifier le contrat de prestation de service en contrat de travail sont finalement assez limités. Les juges ont donc une interprétation particulièrement extensive du lien de subordination ce qui est critiquable. On sera notamment surpris que la fixation du prix horaire soit un élément retenu.

Enfin et en tout état de cause, on ne saurait considérer qu’il s’agit d’un arrêt de principe, chaque affaire pouvant être différente.

Néanmoins, cet arrêt invite plus que jamais à la prudence dès lors qu’il est envisagé de conclure un contrat de prestation de service avec un enseignant sportif. En particulier, il importe que l’enseignant demeure parfaitement libre et indépendant dans la conduite de son activité. Lui confier la gestion de l’entraînement des équipes ou de l’école de tennis n’est pas en soi incompatible avec une collaboration indépendante, mais aussi faut-il que le club en accepte les conséquences, à savoir de ne pas prévoir ou de ne pas intervenir pour donner des ordres et des directives à un professionnel indépendant.

Enfin, dans l’éventualité de la signature d’un contrat de prestation de service, il importera d’attacher une importance toute particulière à sa rédaction.

Voir Cour de cassation, Sociale, 20 février 2013, n°11-26.982

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